'est
un honneur pour moi d'être reçu au Parlement européen
aujourd'hui. Avec votre permission, je viendrai vous rendre
compte de l'action de la présidence britannique après chaque
Conseil européen. Je consulterai en outre le Parlement avant
le Conseil afin de pouvoir recueillir ses vues.
Ce discours tombe à point nommé. Quelles que soient les
divergences par ailleurs, tout le monde est d'accord au moins
sur un point : l'Union européenne est en plein cour d'une
crise profonde. Aujourd'hui, je voudrais vous parler sans
détour de l'analyse que j'en fais, de ses causes et des moyens
d'en sortir. Les crises ont toujours du bon. Celle-ci peut
être bénéfique pour l'Europe si nous avons le courage de nous
en saisir.
Le débat ne doit pas être un mélange d'insultes et de
questions de personnes. Ce doit être un échange d'idées ouvert
et franc, et je commencerai par vous dire clairement comment
je le définis et ce que je pense du désaccord qui le provoque.
Il ne s'agit pas de trancher entre l'Europe du « libre
marché » et l'Europe sociale, entre ceux qui veulent en
revenir à un marché commun et ceux qui croient en un projet
politique. Ce n'est pas seulement une présentation déformée.
C'est une façon d'intimider ceux qui veulent le changement en
baptisant trahison de l'idéal européen leur désir de réforme,
et d'essayer d'étouffer tout débat sérieux sur l'avenir en
prétendant qu'insister pour en débattre, c'est souscrire à
l'anti-Europe.
C'est un état d'esprit contre lequel je me suis battu toute
ma vie politique. Les idéaux ne survivent que s'ils changent.
Il meurent de l'inertie face aux difficultés.
Je suis passionnément pro-européen. Je l'ai toujours été.
La première fois que j'ai voté, c'était en 1975, pour le
référendum sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l'Europe,
et j'ai voté « oui ». En 1983, j'étais le dernier candidat
sélectionné aux primaires, peu de temps avant les élections
législatives. Lorsque mon parti s'est prononcé pour le retrait
de la Grande-Bretagne de l'Europe, j'ai exprimé mon désaccord
avec cette ligne de conduite. Certains ont cru que j'allais
perdre les primaires. D'autres aujourd'hui voudraient bien que
je les ai perdues. Finalement, j'ai travaillé à changer cette
orientation politique dans les années 1980, et je suis fier de
l'avoir fait.
Depuis que je suis Premier ministre, j'ai signé le chapitre
social ; j'ai mis en place, avec la France, une politique de
défense moderne pour l'Europe ; j'ai pris ma part à
l'élaboration des traités d'Amsterdam et de Nice, puis aux
travaux de Rome.
Nous avons affaire à une union de valeurs et de solidarité
entre les nations et les peuples. Ce n'est pas seulement un
marché commun dans lequel nous faisons des échanges, mais un
espace politique dans lequel nous vivons en citoyens.
Cela ne changera pas.
Je crois en l'Europe comme projet politique. Je crois en sa
dimension sociale, forte et humaine. Jamais je n'accepterais
qu'elle ne soit qu'une économie de marché.
Dire que c'est là qu'est la question, c'est fuir le vrai
débat et se réfugier dans la zone rassurante de ce que nous
nous sommes toujours dit dans les moments difficiles.
Il n'y a pas de division entre l'Europe économique et
l'Europe sociale. L'Europe politique et l'Europe économique ne
vivent pas dans des mondes séparés.
La finalité de l'Europe sociale et de l'Europe économique,
c'est de se soutenir l'une l'autre.
La finalité de l'Europe politique, c'est de faire
fonctionner des institutions démocratiques efficaces, qui
conduisent des politiques dans ces deux sphères et dans tous
les domaines où nous voulons coopérer dans notre intérêt
mutuel. Mais c'est aussi de savoir définir les politiques qui
conviennent au monde d'aujourd'hui.
Les dirigeants européens l'ont fait pendant 50 ans. Nous
parlons de crise, mais parlons plutôt de réussite. Quand la
guerre a pris fin, l'Europe était en ruines. Aujourd'hui,
l'Union est un monument de réussite politique. Près de 50 ans
de paix, de prospérité et de progrès ! Pensez-y et soyez
reconnaissants !
L'histoire va dans le sens de l'Union européenne. Partout
dans le monde, les pays se regroupent parce que l'union fait
la force. Jusqu'à la seconde moitié du 20e siècle, les nations
européennes avaient dominé le monde, en avaient colonisé de
vastes parties, et s'étaient battues pour y affirmer leur
suprématie.
Après le carnage de la Seconde Guerre mondiale, les
dirigeants politiques ont eu la clairvoyance de comprendre que
ces temps étaient révolus. Le monde tel qu'il est aujourd'hui
n'enlève rien à leur vision de l'avenir. Il prouve leur sens
de l'anticipation. Les États-Unis sont la seule superpuissance
du monde. Mais dans quelques dizaines d'années, ce sont les
économies de la Chine et de l'Inde qui seront au premier rang,
et leur population sera le triple de celle de l'Union
européenne. Le dessein d'une Europe unie dans la collaboration
est essentiel pour que nos nations soient assez fortes pour
tenir leur place dans le monde.
Près de 50 ans ont passé et il faut nous renouveler. Il n'y
pas à en avoir honte. Toutes les institutions le doivent et
nous avons les moyens de le faire. Mais seulement si nous
remarions les idéaux européens auxquels nous croyons au monde
moderne dans lequel nous vivons.
Face à cette vaste remise en question, si elles tombent
dans l'euro-scepticisme et décident de se replier sur elles-mêmes
dans l'espoir d'échapper à la mondialisation, de ne pas avoir
à faire face au changement qui les cerne, et de se réfugier
dans les politiques déjà en vigueur - comme si le simple fait
de les répéter les rendait plus pertinentes - alors elles vont
droit à l'échec. Un échec de grande envergure, d'ampleur
stratégique. Ce n'est pas le moment d'accuser de trahison ceux
qui veulent que l'Europe change. C'est celui de reconnaître
qu'elle ne recouvrera sa force, son utilité, son idéalisme et
donc l'adhésion de ses citoyens que si elle change.
Comme toujours, les hommes politiques ont du retard sur les
peuples. Eux pensent toujours que leurs concitoyens, loin de
l'obsession quotidienne de la politique, peuvent ne pas en
comprendre, ne pas en voir toutes les subtilités et les
complexités. Mais en fin de compte, ils voient toujours les
choses plus clairement que nous. Justement parce qu'ils n'en
sont pas obsédés au quotidien.
La question n'est pas le principe de l'Union européenne.
C'est sa modernisation, ses orientations. Le débat n'est pas
de savoir comment l'abandonner, mais comment lui faire faire
ce pour quoi elle a été fondée : rendre la vie meilleure aux
citoyens. Aujourd'hui ils ne sont pas convaincus. Réfléchissez
!
Pendant quatre ans, dont deux au sein de la Convention,
l'Europe a mené des débats sur son projet de Constitution. Ce
texte détaillé et minutieux fixait les règles destinées à
régir une Europe de 25, et à terme de 27, 28 États membres et
davantage. Il a été approuvé par tous les gouvernements,
soutenu par tous leurs dirigeants, avant d'être massivement
rejeté par référendum dans deux pays fondateurs - dans le cas
des Pays-Bas, par plus de 60 % des votants. La réalité, c'est
que si l'on organisait aujourd'hui des référendums dans la
plupart des États membres, le « oui » aurait du mal à
l'emporter.
Il y a deux explications possibles. La première, c'est que
les électeurs ont étudié précisément les articles du traité
constitutionnel et qu'ils les ont désapprouvés. Je doute que
ce soit là la raison du « non ». Ce n'était pas un problème de
mauvaise rédaction ou de désaccord sur des points précis du
texte.
L'autre explication, c'est que la Constitution a été le
moyen d'expression d'un mécontentement plus général et plus
profond de l'opinion vis-à-vis de la conduite des affaires de
l'Europe. Je crois que là est la bonne analyse.
Si c'est le cas, il ne s'agit pas d'une crise des
institutions, mais d'une crise politique. Les citoyens de
l'Europe nous posent des questions difficiles. Ils
s'inquiètent de la mondialisation, de la sécurité de l'emploi,
des retraites et du niveau de vie. Ils ne voient pas seulement
l'économie changer autour d'eux, mais aussi la société. Les
communautés traditionnelles sont éclatées, les milieux issus
de l'immigration changent, et la vie familiale est mise à rude
épreuve dans la quête acharnée d'un équilibre entre vie privée
et vie professionnelle.
Nous vivons à une époque de réformes et de mutations
profondes. Regardez nos enfants, les technologies qu'ils
utilisent et le marché du travail qui les attend. Le monde est
devenu méconnaissable, comparé au temps de nos études, il y a
20 ou 30 ans. Quand de tels changements se produisent, c'est
aux hommes politiques modérés de montrer la voie. Sinon, ce
sont les extrêmes qui influenceront le processus de décision.
Cela se passe ainsi dans une nation. C'est ce qui est en train
de se produire en Europe aujourd'hui.
Réfléchissons un peu. La Déclaration de Laeken, qui a
ouvert la voie à l'élaboration d'une Constitution, était
destinée à « rapprocher l'Europe du peuple ». L'a-t-elle fait
? Le plan d'action de Lisbonne a été lancé en l'an 2000 avec
l'ambition de faire de l'Europe « l'économie la plus
compétitive au monde à l'horizon 2010 ». Nous sommes à mi-chemin
de cette échéance. Y sommes-nous arrivés ?
Conseil européen après Conseil européen, nous nous sommes
prononcés sur les moyens à mettre en ouvre pour « remettre
l'Europe en phase avec le peuple ». Qu'avons-nous fait ?
Il est temps de revenir sur terre, de se réveiller. Le
peuple fait du tapage sous nos fenêtres. Y prêtons-nous
l'oreille ? Avons-nous la volonté politique de sortir et
d'aller à sa rencontre, afin qu'il voie dans notre autorité
une partie de la solution, et non le problème ?
Voilà le contexte dans lequel il faut situer le débat sur
le budget. On entend dire que nous avons besoin du budget pour
restaurer la crédibilité de l'Europe. Certes. A condition
qu'il soit bon. Il ne faut pas l'isoler du débat sur la crise.
Au contraire, il doit faire partie de notre réaction à la
crise.
Je voudrais dire un mot du sommet de vendredi dernier. On a
laissé entendre que je n'étais pas disposé à accepter un
compromis sur le rabais consenti à la Grande-Bretagne ; que je
n'avais soulevé la question de la réforme de la PAC qu'à la
dernière minute ; que je comptais la renégocier le vendredi
soir. Or je suis le seul dirigeant britannique à avoir jamais
dit que je remettrais le rabais sur le tapis. Je n'ai jamais
dit qu'il fallait mettre fin à la PAC maintenant, ni qu'il
fallait la renégocier toutes affaires cessantes. Ce serait
absurde. Toute réforme doit tenir compte des besoins des
communautés rurales et prendre son temps. J'ai simplement dit
deux choses : que nous ne pouvions pas convenir d'une
perspective financière qui ne prévoie pas au minimum un
processus débouchant sur un budget plus rationnel ; et que ce
processus devait permettre au budget d'influer sur la deuxième
moitié de cette perspective, à l'horizon de 2013. Sinon nous
nous retrouverons en 2014 sans qu'aucun changement de fond
n'ait été décidé, et encore moins appliqué. D'ici là, bien
entendu, la Grande-Bretagne assumera sa juste part de
l'élargissement. Je signale que, quel que soit le mode de
calcul, nous resterons le deuxième contributeur net de l'Union,
et que nous aurons payé à ce titre des milliards d'euros de
plus que d'autres pays de taille similaire.
Voilà donc le contexte. Alors, quelles pourraient être ces
nouvelles lignes d'action pour l'Europe ?
Premièrement, moderniser son modèle social. Certains ont
prétendu que je voulais abandonner le modèle européen. Mais
dites-moi : que vaut ce modèle social qui a 20 millions de
chômeurs et des taux de productivité inférieurs à ceux des
États-Unis, qui forme moins de diplômés dans les matières
scientifiques que l'Inde, et où - quel que soit l'indice
retenu pour une économie moderne - les qualifications, la
recherche et le développement, les brevets, les technologies
de l'information, loin de progresser, reculent. L'Inde va
multiplier par cinq son secteur des biotechnologies dans les
cinq ans qui viennent. La Chine vient de tripler en cinq ans
son budget recherche et développement.
Aujourd'hui, l'Europe ne compte que deux des 20 premières
universités du monde.
La raison d'être de notre modèle social devrait être
d'optimiser notre aptitude à soutenir la concurrence, et
d'aider nos concitoyens à se faire à la mondialisation, à en
saisir les chances et à en éviter les dangers. Nous avons
besoin d'une Europe sociale, c'est certain. A condition
qu'elle donne les résultats escomptés.
On nous a dit comment faire. Le rapport Kok, en 2004, nous
a montré la voie : investir dans le savoir, la qualification
professionnelle, les politiques actives en matière de marché
du travail, les pôles scientifiques et l'innovation,
l'enseignement supérieur, la revitalisation des quartiers et
l'aide aux petites entreprises. C'est une politique sociale
moderne, ce que ne sont ni la réglementation ni la protection
de l'emploi, qui sauveront peut-être quelques postes
aujourd'hui, au détriment de beaucoup d'autres demain.
Puisque j'en suis à démolir les caricatures, en voici une
autre : l'idée que la Grande-Bretagne serait le porte-drapeau
d'une conception anglo-saxonne extrémiste de l'économie de
marché, où l'on écraserait les pauvres et les défavorisés. Le
gouvernement actuel a adopté son « New Deal » en faveur des
chômeurs, le plus grand programme européen de création
d'emplois grâce auquel le chômage de longue durée des jeunes a
pratiquement disparu. En cinq ans, il a augmenté les
investissements dans les services publics plus que tout autre
pays européen. Il le fallait, certes, mais nous l'avons fait.
Nous avons mis en place, pour la première fois en Grande-Bretagne,
le salaire minimum. Nous avons régénéré nos villes. Nous avons
sorti près d'un million d'enfants de la pauvreté et amélioré
les conditions de vie de deux millions de retraités. Nous
avons engagé une réforme profonde, sans précédent dans notre
histoire, de l'aide à l'enfance, de la maternité et de la
paternité. C'est grâce à la bonne santé de notre économie, non
à son détriment, que nous l'avons fait.
Deuxièmement, concevoir un budget qui reflète ces réalités.
Là c'est le rapport Sapir qui nous montre la voie. Publié par
la Commission européenne en 2003, il définit clairement ce
qu'un budget moderne doit intégrer. Mettons-le en pratique.
Mais un budget moderne n'est pas un budget qui, pour les dix
ans à venir, va continuer à consacrer 40 % de ses dépenses à
la PAC.
Troisièmement, respecter l'agenda de Lisbonne. Sur l'emploi,
la participation au marché du travail, les jeunes en fin de
scolarité ou l'acquisition de connaissances tout au long de la
vie, nos progrès sont sans commune mesure avec les objectifs
précis que nous nous sommes fixé à Lisbonne. Ce plan d'action
nous disait ce qu'il fallait faire. Faisons-le.
Quatrièmement - et ici j'avance prudemment - donner à
l'Europe un cadre macro-économique à la fois soumis à une
discipliné et flexible. Ce n'est pas à moi de faire des
commentaires sur l'eurozone. Je dis seulement ceci : si nous
faisons de vrais progrès sur la réforme économique, si nous
nous montrons vraiment sérieux sur le changement structurel,
alors la réforme macro-économique passera dans l'opinion pour
être rationnelle et raisonnable, et le produit non pas du
laisser-aller budgétaire mais du bon sens. Il est urgent de la
mettre en ouvre si nous voulons faire avancer l'Europe.
Après les enjeux économiques et sociaux, il nous faut
affronter d'autres sujets de société - le crime, la sécurité,
l'immigration.
La criminalité organisée, qui se joue plus que jamais des
frontières, coûte au Royaume-Uni 20 milliards de livres par an,
au bas mot.
Les mouvements migratoires ont été multipliés par deux ces
vingt dernières années. Ils sont dans l'ensemble sains et
bienvenus, mais demandent à être gérés. L'immigration
clandestine est un problème auquel se heurtent toutes nos
nations et une tragédie pour des milliers de personnes. On
estime que 70 % des clandestins passent par la filière de
bandes criminelles organisées. Ces personnes font l'objet de
trafics répugnants, passant d'une région à l'autre pour être
seulement plus exploitées à leur arrivée. De 600 000 à 800 000
personnes par an sont victimes de cette traite. 100 000 femmes
en font l'objet chaque année dans l'Union européenne.
Encore une fois, les politiques européennes en matière de
justice et d'affaires intérieures - notamment le plan de lutte
contre le terrorisme de l'Union européenne - ont un potentiel
énorme d'amélioration de la répression, de lutte contre la
radicalisation de certains groupuscules et contre le
recrutement de futurs terroristes, et de mise en commun de
l'information, du renseignement et de l'action contre le crime
organisé. Il s'agit de frapper fort les trafiquants de drogue,
en s'en prenant à leurs comptes en banque, en les harcelant
dans leurs activités, en arrêtant les caïds, et en les
traduisant en justice. Il convient aussi d'obtenir de pays
voisins et de pays tiers des accords de réadmission des
déboutés du droit d'asile et des immigrés clandestins. Il faut
enfin développer les technologies biométriques pour rendre
plus sûres les frontières extérieures de l'Europe.
Venons-en maintenant au vaste domaine de la politique
étrangère et de sécurité commune. Nous devons nous entendre
sur des mesures concrètes de nature à faire monter en
puissance la capacité de défense de l'Europe. Nous devons
accepter de nous investir davantage dans les missions de
maintien et de rétablissement de la paix, et nous doter des
capacités militaires nécessaires pour pouvoir intervenir
rapidement et de manière efficace pour résoudre un conflit,
dans le cadre de l'Otan ou indépendamment, quand l'Alliance
n'entend pas s'engager. Regardons les effectifs des armées
européennes et les dépenses que nous consacrons au budget
militaire : sont-ils vraiment à la mesure des enjeux
d'aujourd'hui ?
Jamais nous ne mènerons de politique étrangère digne de ce
nom sans véritable politique de défense. Mais même en
l'absence d'un effort sur ce front, nous pouvons donner plus
de poids à l'Europe sur les affaires du monde. Quand l'Union
européenne s'est entendue récemment pour multiplier par deux
son aide à l'Afrique, ce fut non seulement un pas en avant
pour l'aide à ce continent tourmenté, mais aussi le gage d'un
resserrement de la coopération européenne. Nous sommes les
champions de l'aide au développement et nous en sommes fiers.
Nous devons tout faire pour parvenir à un accord commercial
multilatéral qui favorisera les échanges de tous les pays, en
particulier les plus pauvres. Nous devons monter au créneau du
changement climatique et élaborer des politiques européennes
propres à venir à bout du problème. Grâce à Xavier Solana,
l'Europe a commencé à faire entendre sa voix dans le processus
de paix au Proche-Orient. J'ai un mot à dire, facile à
comprendre : le jour où l'Europe sera forte, elle sera un
acteur majeur sur la scène internationale, naturellement en
partenariat avec les États-Unis, mais elle sera aussi apte à
démontrer qu'elle peut faire avancer les choses et peser sur
les affaires du monde.
Une Europe de cette nature, une fois son économie
modernisée et sa sécurité renforcée, par des actions mises en
ouvre tant dans le cadre de ses frontières qu'à l'extérieur,
aura regagné confiance en elle. Cette confiance nouvelle lui
permettra d'aborder l'élargissement non pas comme une menace -
comme si entre les États membres d'origine et les nouveaux
venus c'était les vases communicants - mais comme une chance
historique extraordinaire de bâtir une union plus puissante et
plus étendue. Ne nous faisons pas d'illusions : ce n'est pas
en nous refusant à l'élargissement, ni en en éludant les
conséquences naturelles, que nous sauverons nos emplois,
maintiendrons notre activité ou éviterons les délocalisations.
Cela marchera peut-être un temps, mais pas longtemps. Dans
l'intervalle, l'Europe se sera recroquevillée, repliée sur
elle-même dans un nombrilisme introspectif, qui fera que les
acteurs politiques qui obtiendront l'adhésion de l'opinion ne
seront pas ceux qui auront porté le rêve européen, mais les
nationalistes d'un autre âge et les xénophobes. Je vous le dis
en toute franchise : on ne peut être à la fois pour
l'ouverture de l'Europe à de nouveaux États membres et contre
l'ouverture de son économie.
Si nous faisons prendre à l'Europe ce nouveau tournant et
si, avec l'aide d'une Commission prête à renoncer à des
réglementations superflues, à se défaire de la paperasserie,
et à se faire le champion d'une Europe ouverte sur le monde et
résolue à soutenir la concurrence - comme en est parfaitement
capable la Commission de José Manuel Barroso - alors nous
n'aurons pas de mal à faire de nouveau de l'Europe, aux yeux
de nos concitoyens, un rêve et un idéal.
Lors de notre présidence, nous nous attacherons à parvenir
à un accord sur le budget ; à résoudre les dossiers les plus
épineux, comme la directive sur les services et la directive
sur le temps de travail ; à honorer les obligations de l'Union
vis-à-vis de pays comme la Turquie et la Croatie qui aspirent
à en faire partie ; et à conduire un débat sur l'avenir dans
un souci d'ouverture et d'intégration, en faisant valoir nos
vues fermement mais en nous montrant attentifs aussi à celles
des autres.
Je n'ai maintenant qu'une chose à dire : n'allons pas nous
imaginer que ce débat n'a pas lieu d'être et que si nous nous
contentons d'expédier les affaires courantes, nos concitoyens
reviendront un jour ou l'autre à l'Europe, telle qu'elle est
et non pas telle qu'ils la souhaiteraient. J'ai constaté,
depuis que je suis Premier ministre, que le problème n'est pas
de décider, mais de s'aviser du moment où une décision
s'impose. Entre gérer les défis courants que nous rencontrons
en chemin et nous colleter aux vrais problèmes, il y a un
monde. Pour l'Europe, l'heure a sonné.
Les Européens nous parlent. Ils posent des questions. Ils
veulent que nous leur montrions la route. Il est temps que
nous le fassions.