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Venezuela: les zones d'ombre du référendum 
par Frédéric Martinez (*)

mercredi, 18 août 2004


A deux jours de sa tenue, et alors que les résultats définitifs n’ont pas été publiés, il semble clair que l’espoir d’un arbitrage de la crise politique vénézuélienne par le biais du référendum révocatoire n’aura trouvé qu’une réponse partielle dans le scrutin du 15 août.  

Le fait, d’ores et déjà évident, qu’il ne débouchera pas sur un résultat incontestable et accepté par l’ensemble des forces politiques laisse présager d’une prolongation de la crise politique dans ce pays latino-américain qui est aussi le cinquième exportateur mondial de pétrole.  

La victoire de Hugo Chávez à 58% contre 41%, annoncée dès l’aube du lundi 16 août, sous forme de résultats préliminaires -et immédiatement célébrée par le Président sans attendre la publication définitive des résultats- restera en effet probablement accompagnée de doutes quant à la transparence du processus.

Elle lui permettra de finir son deuxième mandat (le premier ayant été écourté par la refonte de la Constitution), jusqu’à fin 2006, mais sans avoir pour autant obtenu que l’opposition et l’opinion internationale lui reconnaissent sans réserve une franche et incontestable victoire par les urnes. Ainsi, deux de ses objectifs n’auront pas été atteints : faire taire par le référendum les voix discordantes de l’opposition, et convaincre entièrement de sa bonne foi démocratique des gouvernements occidentaux qui, malgré l’opinion globalement favorable, mais non inconditionnelle, émise par les observateurs internationaux (Jimmy Carter et le Secrétaire Général de l’OEA, César Gaviria), restent encore très prudents quant à une pleine reconnaissance de sa victoire électorale.  

L’option du référendum, permise par la constitution « bolivarienne » de 1999, choisie comme stratégie prioritaire par l’opposition début 2003, après l’échec de la grève pétrolière, puis acceptée finalement en juin 2004, après de nombreux atermoiements, par un Chávez en proie à la pression des organismes internationaux, aura pourtant permis à plusieurs titres de réorienter la crise vénézuélienne vers une voie démocratique.  

En canalisant les oppositions par le vote, le référendum aura offert un contrepoids aux tentations moins démocratiques auxquelles s’étaient laissés aller récemment les acteurs politiques vénézuéliens : un coup d’Etat puis une grève générale illimitée, pour l’opposition ; le contrôle politique de la justice, les licenciements massifs d’opposants dans l’appareil d’Etat, ou le secteur pétrolier national pour le gouvernement.  

Un deuxième succès du bon sens démocratique a été le déroulement du référendum, lors de la journée électorale de dimanche : une journée marquée par le calme, la patience, malgré des queues de 8, 9 ou 10 heures, en plein soleil, pour pouvoir exercer le droit de vote. Un calme –troublé par un unique épisode meurtrier devant un bureau de vote de Caracas- relevant presque du miracle, et salué par le Secrétaire Général de l’OEA, César Gaviria, qui y a vu la marque d’un « extraordinaire civisme », au vu, en particulier, de l’intense tension politique qui règne au Venezuela depuis près de trois ans.  

Il semble malheureusement beaucoup moins probable que le référendum débouche sur un réel arbitrage à la crise, et parvienne à départager les Vénézuéliens qui, de part et d’autre, attendent sincèrement du chavisme ou de l’opposition une amélioration des problèmes du pays, à commencer par son appauvrissement. L’expression de la volonté populaire, si elle est enfin entrée dans la combinatoire de la crise politique vénézuélienne, ne permettra donc pas, à court terme, de la résoudre.  

Une victoire de Chávez à 58% contre 41%, telle qu’elle a été annoncée hier, à titre préliminaire, par le Conseil National Electoral, est tout à fait possible : quelque soit son pourcentage exact, elle renvoie dans tous les cas l’opposition à ses faiblesses connues et reconnues depuis qu’elle est apparue, dans le sillage d’une exaspération grandissante face à la manière de gouverner de Hugo Chávez, faite d’une grandiloquence rhétorique déconnectée de la réalité, d’une gestion autoritaire et politisée de l’appareil d’Etat, de promesses populistes généralement non suivies d’effet, et d’une agressivité verbale démesurée envers ses adversaires politiques. Quelles sont les faiblesses de l’opposition? Sa trop grande hétérogénéité, face au caractère monolithique du chavisme, son insuffisante structuration en partis de gouvernement, son incapacité à dégager un leader capable de faire face au charismatique Chávez, sa difficulté à capter très largement la sympathie et la confiance des pauvres, qui malgré six ans sans résultats probants, attendent encore de Chávez, pour bon nombre d’entre eux, une amélioration de leur sort. Ainsi, l’opposition n’a d’autre alternative, après le scrutin du 15 août, que de se muscler comme force politique afin de constituer une vraie alternative au chavisme. Certes, la déception de ceux qui rêvaient d’un changement politique rapide joue dans la difficulté de l’opposition à accepter le scrutin de dimanche ; mais le doute ne tient pas qu’à la désillusion : il repose aussi sur des zones d’ombre réelles qui laissent peser un doute sur la transparence du processus électoral.  

En effet, des cinq recteurs du Conseil National Electoral, trois, dont le Président, sont favorables au gouvernement, et deux favorables à l’opposition. Or ces derniers n’ont pas eu accès à la salle où a eu lieu la totalisation des voix ; ils l’ont annoncé à la presse dans la foulée de l’annonce des résultats préliminaires, se démarquant ainsi de celle faite par Francisco Carrasquero, Président de l’organe de contrôle des élections. De la même manière, ni Jimmy Carter ni César Gaviria, comme l’a reconnu hier ce dernier, visiblement embarassé, lors de leur conférence de presse conjointe, n’ont eu accès à cette même salle, « pour des raisons techniques » a-t-il précisé. Un indice qui, pour les observateurs internationaux ne suffit pas à remettre en cause la fiabilité des résultats préliminaires - comme ils l’ont dit hier, ceux-ci leur semblent « compatibles » avec leurs propres estimations, mais ils n’ont pas pour autant fermé la porte à une étude plus détaillée d’éventuelles preuves de fraude - mais qui par contre ouvre une large brèche pour l’opposition, qui va maintenant se concentrer sur un recours formel afin d’obtenir le recomptage des voix.  

La persistance d’un doute quant à la transparence des résultats électoraux au Venezuela n’est pas sans rappeler le feuilleton opposant Al Gore à un George Bush déjà autoproclamé Président des Etats-Unis, en novembre 2000. Hugo Chávez n’a pas manqué de rappeler, narquois, cet épisode embarrassant pour la démocratie américaine lors de son allocution télévisée de lundi soir. Il le faisait, bien sûr, pour vanter la supériorité de la transparence démocratique « bolivarienne ». Le feuilleton du référendum révocatoire, qui ne fait vraisemblablement que commencer, dira si sa raillerie était bienvenue.

 

Historien, Université de Marne-la-Vallée
Co-Auteur de « L’Amérique latine et les modèles européens » (L’Harmattan 1998)
Auteur de « Le nationalisme cosmopolite : la référence à l’Europe dans la construction nationale en Colombie » (à paraître).

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